-- -- -- / -- -- --
إدارة الموقع

Conflit dans l’Est de la RDC : Silence, on tue !

Madjid Serrah
  • 210
  • 0
Conflit dans l’Est de la RDC : Silence, on tue !
WFP/Moses Sawasawa
Une femme fuit avec son enfant un camp de déplacées à Goma, dans l’est de la RDC, janvier 2025.

Le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo, et depuis son début en 1996, a causé la mort et le déplacement de millions de personnes. Il a récemment repris, avec la prise du contrôle de la ville de Goma, dans la province du Nord-Kivu, par le mouvement armé « M23 » le 27 janvier, après des affrontements avec l’armée congolaise qui ont fait des milliers de victimes et des centaines de milliers de déplacés.

Les combats se sont arrêtés dans la ville après sa chute entre les mains du mouvement armé « M23 » (Mouvement du 23 Mars), et elle est devenue calme. « La ville est calme mais peut-être froide est le mot approprié. », dit , depuis la ville de Goma, le journaliste Innocent Buchu contacté par Echorouk Online, ajoutant que même les rues les plus animées de Goma semblent maintenant « timides ».

De nombreuses activités économiques restent suspendues en raison des pillages qu’a connus la ville. Même avec l’ouverture des routes pour l’acheminement des marchandises, et bien que quelques commerçants tentent de relancer leurs affaires, mais la reprise reste timide, car la population manque de moyens en raison des pertes subies pendant la guerre.

Notre interlocuteur nous dit : « Il n’y a plus de coup de feu toute la journée comme c’était le cas toute la semaine, mais les populations sont traumatisées avec plus de 3 mille morts dans la ville, chiffre qui est encore provisoire selon l’ONU. »

Il ajoute que les habitants ne disposent pas de moyens pour se procurer les produits de première nécessité. « Les enfants sont encore à la maison, les écoles ne fonctionnent pas. Plusieurs familles sont encore sous le choc. Les hôpitaux sont pleins avec plus de 2800 blessés par balles, dont plusieurs cas graves, selon MSF. On signale aussi des personnes portées disparues, dont d’anciens membres de la société civile et certains fonctionnaires. »

En plus des perturbations de l’électricité et d’Internet, ce qui complique la communication avec les habitants de cette ville, il n’existe aucun accès disponible pour y entrer depuis d’autres villes de la province ou du pays.

Aucun vol n’a été enregistré depuis Goma depuis la fermeture de l’aéroport le 28 janvier, et la tour de contrôle avait été saccagée. Cela a enclavé la zone, et la seule ouverture c’est la frontière avec le Rwanda.

Le journaliste ajoute que des affrontements se déroulent actuellement dans les environs de la région de Nyabibwe, dans la province du Sud-Kivu*.

Le gouvernement congolais a nommé un gouverneur militaire, tandis que le mouvement rebelle « M23 », qui bénéficie du soutien des forces rwandaises, a désigné son propre gouverneur et deux adjoints. « Tout est confus, la population observe seulement ne sait pas comment se positionner. », commente Innocent Buchu.

Les joueurs de l’équipe de RDC, lors de la demi-finale de la CAN à Abidjan en 2024, dénonce le silence autour de la crise dans leur pays.

La reprise du conflit a poussé des milliers de civils à fuir de nouveau pour survivre. Selon Médecins Sans Frontières, plus de 400 000 personnes ont été déplacées en janvier 2025, et avant cela, les camps autour de Goma étaient déjà surpeuplés avec 600 000 déplacés, tandis que les financements des organisations d’aide internationales ont été totalement épuisés.

« Des milliers de personnes à Goma et alentour cherchent un abri, de la nourriture, de l’eau, des installations sanitaires et des soins de santé : aussi les parties au conflit doivent-elles permettre l’accès sans entraves et sûr de l’aide humanitaire pour tous ceux qui en ont besoin. » A déclaré le directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International, Tigere Chagutah.

Ce conflit dans l’Est de la RDC trouve ses racines dans le génocide contre les Tutsi vécu par le voisin rwandais en 1994.

La région frontalière a connu l’afflux d’un à deux millions de personnes hutu, entre civils ou de combattants impliqués dans le génocide, vers les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ces derniers ont ensuite formé des milices armées dans cette région du RDC, qui s’appelait alors Zaïre. Le Rwanda est intervenu militairement avec le soutien de l’Ouganda et du Burundi, officiellement pour expulser ces milices en 1996.

Située au centre de l’Afrique, la RDC est le plus grand pays d’Afrique subsaharienne en superficie et le deuxième plus vaste du continent après l’Algérie. C’est aussi le troisième pays le plus peuplé d’Afrique, après le Nigeria et l’Éthiopie. En plus de cela, il possède d’immenses ressources minières.

Le pays dispose de cuivre, de coltan, de cobalt, d’or, de diamants et d’autres minerais, dont une grande partie reste encore inexploitée.

« Selon les statistiques de 2023, la RDC est le troisième producteur mondial de cuivre. Quant au coltan, principalement présent à l’est du pays, il représente entre 60 et 80 % des réserves mondiales. Ce minerai figure parmi les ressources stratégiques actuelles. Par ailleurs, on trouve également des gisements de cassitérite, de tantale et de lithium. En plus de ces richesses minières, la RDC possède aussi des réserves de pétrole et de gaz, ce qui en fait un pays aux ressources naturelles diversifiées. » Explique l’analyste économique et politique basé à Goma, Dady Saleh Daf, qui ajoute qu’en termes de réserves minières, la RDC pourrait figurer parmi les dix premiers pays au monde si l’on prend en compte l’ensemble de ses ressources.

Cependant, une grande partie de ces ressources reste sous-exploitée. « Le véritable défi réside non pas seulement dans la présence d’entreprises minières étrangères, mais surtout dans la faible capacité de production locale. L’exploitation artisanale reste très répandue, tandis que le cadre réglementaire évolue progressivement pour s’adapter à cette réalité. » Analyse Dady Saleh Daf.

Des enfants travaillent dans une mine au Sud-Kivu, en RDC. Image : UNICEF/Patrick Brow

Ces immenses ressources minières présentes dans cette partie de la RDC sont devenues le carburant de ce conflit, qui trouve aussi ses racines dans le passé colonial et les injustices historiques vécues par le pays.

Selon l’ONU, “la République démocratique du Congo demeure un enjeu stratégique pour les puissances régionales, en raison de ses ressources naturelles exceptionnelles et de son rôle clé dans la stabilité de la région des Grands Lacs”.

C’est ce qu’explique Dady Saleh Daf dans ses réponses aux questions d’Echorouk Online : « L’exploitation des ressources minières joue un rôle majeur dans la persistance des conflits en République démocratique du Congo. C’est une réalité indéniable. Les cartes montrent clairement que les groupes armés – plus de 200 répertoriés – sont principalement actifs dans des zones riches en ressources minérales. Ces ressources font l’objet d’une exploitation illicite massive, notamment le coltan et le cobalt. On parle ici particulièrement des régions de Walikale et du Masisi, où se trouvent entre 60 et 80 % des réserves mondiales de ces minerais. »

L’exploitation illégale des ressources congolaises ne se limite pas aux acteurs locaux. Des entreprises étrangères de plusieurs nationalités y participent également, vendant ces minerais souvent à bas prix pour alimenter les industries de batteries, de téléphones portables et d’autres appareils électroniques dépendant du coltan et du cobalt, qui sont aujourd’hui des ressources stratégiques.

D’après les données de l’ONU, ce conflit dans l’Est de la RDC a causé la mort de plus de 6 millions de personnes depuis 1998, un grand nombre d’entre elles ayant succombé à la famine et aux maladies provoquées par le conflit. Pourtant, malgré ces pertes humaines massives, ce conflit se poursuit dans le silence.

Lorsque nous avons interrogé le journaliste Innocent Buchu sur l’absence de ce conflit des médias internationaux, il nous a répondu : « Toute cette situation montre que des millions de morts au Congo ne disent rien face à un mort dans un autre pays. La valeur de la vie est à question.» Avant d’ajouter : « Je pense qu’il n’y a pas que les médias qui n’en parlent pas, plusieurs leaders sur le continent ne se sont pas prononcés non plus pour montrer leur solidarité aux Congolais. Parlant des médias internationaux, je pense qu’ils sont ailleurs, toutes les caméras sont sur l’Ukraine. La couverture de ce qui se vit en RDC et celle qui se vit en Ukraine est un exemple d’une fracture réelle dans le monde selon qu’on est positionné sur la carte géographiquement. »

*Mercredi 5 février 2025.

Ajoutez un Commentaire

Tous les champs sont obligatoires et votre e-mail ne sera pas publié. Veuillez respecter la politique de confidentialité.

Votre commentaire a été envoyé pour examen, il sera publié après approbation!
Commentaires
0
Pardon! Il n'y a pas de contenu a afficher!