Hommage en demi-teinte au Printemps arabe à la Berlinale
Des documentaires et des films sélectionnés à la Berlinale ont donné une image très nuancée du Printemps arabe d’il y a un an, témoignant de la difficulté à appréhender un évènement aux conséquences encore incertaines.
Les long-métrages de fiction, aux délais de production plus long, étaient encore peu nombreux et n’évoquaient qu’indirectement ces embrasements populaires – surtout de la jeunesse – en Tunisie, Egypte, Libye, qui ont tenu le monde en haleine et contraint au départ de chefs d’Etat qui semblaient indéboulonnables.
L’Egypte, pays avec la plus grande tradition cinématographique dans la région, était le mieux représenté dans ce festival qui s’achevait dimanche, notamment avec le documentaire “Althawra… Khabar” (Reporting… a revolution) qui plonge le spectateur au coeur des évènements de la place Tahrir.
Six jeunes journalistes d’un site d’informations indépendant égyptien, Al Masri Al Youm, y reviennent sur les 18 jours de manifestation qui ont abouti au départ du président Hosni Moubarak le 11 février 2011.
Leur témoignage, entrecoupé de séquences tournées avec de petites caméras numériques, au plus près de l’action, permet au spectateur de partager le sentiment d’urgence et d’histoire en marche ressenti par les reporters, déchirés entre leur éthique professionnelle et leur aspiration au changement.
Al Masri Al Youm, créé en 2008, avait été le premier site arabe à mettre des vidéos en ligne, après avoir “formé des journalistes à filmer avec leurs téléphones”, a expliqué Nora Younis, directrice de la rédaction et l’une des protagonistes du film.
“Et puis la révolution est arrivée (…) on s’est interrogé sur notre stratégie, et on a décidé de tourner, toujours continuer à tourner”, a-t-elle ajouté.
Des images sanglantes – cadavres d’hommes tués par balle, camion de la police écrasant des manifestants… – n’ont pas été oubliées.Autre documentaire égyptien, “In the shadow of a man” dresse le portrait de six femmes, peu après la révolution. Une façon de montrer que la lutte pour la liberté dans les pays arabes n’a fait que commencer avec la chute des dictateurs.
Car le bilan tiré à Berlin sur ces “révolutions” est très contrasté et tranche avec l’enthousiasme qu’elles ont suscité.
La place qu’ont déjà pris certains mouvements islamistes – Frères musulmans en Egypte, Ennahda en Tunisie -, restent des hypothèques importantes, reconnaissent les intervenants de la région.
Nadia al Fani, une réalisatrice de documentaires tunisienne, a ainsi souligné qu’elle ne pouvait plus retourner aujourd’hui dans son pays, car elle est la cible de six chefs d’inculpation qui peuvent lui valoir cinq ans de prison, parmi lesquels blasphème et attentat à la pudeur.
En Europe, “tous les festivals veulent avoir leur programme spécial sur le printemps arabe, mais dans le même temps, il devient impossible pour un film qui ne traite absolument pas de ce sujet d’être choisi”, a-t-elle précisé.