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Pamela Morinière, cheffe du département Communication et campagnes de la FIJ, à Echorouk/Echorouk Online :

Journalistes tués à Gaza : “Nous ne voulons pas résumer ce qui se passe à des statistiques”

Propos recueillis par Madjid Serrah
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Journalistes tués à Gaza : “Nous ne voulons pas résumer ce qui se passe à des statistiques”
Anadulu
Des proches pleurent le journaliste palestinien Ahmed Mansour, tué lors d’une attaque israélienne à Khan Younès, le 7 avril 2025.

Des images terrifiantes relayées sur les réseaux sociaux ont montré le journaliste palestinien Ahmad Mansour, brûlé vif après que les forces d’occupation ont ciblé la tente des journalistes par des frappes au sein du complexe médical Nasser, dans la ville de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza. Mansour a succombé à ses graves blessures le matin du mardi 8 avril.

Ahmad Mansour, journaliste pour l’agence d’information Palestine Today et père de trois enfants, n’est pas le seul à avoir péri dans cette attaque. Un autre journaliste a également été tué et huit autres blessés.

La guerre menée par l’armée israélienne contre Gaza depuis le 7 octobre 2023 est qualifiée de “la plus meurtrière pour les journalistes”, selon les mots de Pamela Morinière, cheffe du département Communications et campagnes de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), dans une interview à Echorouk/Echorouk Online.

D’après elle, les estimations indiquent qu’environ 10 % des journalistes de Gaza ont été tués en 18 mois.

Le “Bureau de la presse gouvernemental dans la bande de Gaza” a recensé, dans un communiqué publié le mardi 8 avril, 211 journalistes tués. Le Syndicat des journalistes palestiniens, dans son communiqué du lundi 7 avril, en a comptablisé 208, tandis que Reporters sans frontières évoquait, dans son communiqué de presse du 25 mars “près de 200 journalistes”. De son côté, la FIJ, par la voix de Morinière, affirme avoir documenté 156 cas de journalistes et de professionnels des médias tués par les forces israéliennes depuis le 7 octobre 2023.

“Chacun a sa méthode de calcul, selon ses propres critères, ce qui explique ces différences”,  nous répond Morinière. 

À ces journalistes assassinés s’ajoutent de nombreux journalistes et professionnels des médias blessés, emprisonnés ou intimidés.

Morinière explique : “La volonté de l’armée israélienne de cibler les journalistes à Gaza est en grande partie motivée par la nécessité de contrôler le récit et d’empêcher la diffusion de témoignages sur les événements qui se déroulent sur le terrain.  C’est une violation du droit à la liberté d’expression. C’est une violation du droit de public de savoir. Les journalistes jouent un rôle essentiel en rapportant les faits, en exposant les violations des droits humains et en fournissant une couverture indépendante. En les attaquant, en les intimidant, en les arrêtant ou en les tuant, les autorités israéliennes cherchent à réduire la portée de l’information qui pourrait nuire à leur image à l’international et taire les exactions commises à Gaza.”

Pour que Mansour et les autres journalistes tués par la machine de guerre israélienne ne soient pas réduits à de simples chiffres, Morinière ajoute : Dénoncer, compter les morts, raconter leurs histoires, donner la parole à celles et ceux qui sont sur le terrain, parce qu’effectivement, nous ne voulons pas résumer ce qui se passe à Gaza à des statistiques. Ce sont des vies humaines perdues, des familles décimées, des médias sous les décombres, la faim, la soif, la maladie, le désespoir au quotidien… Nous demandons aux organisations internationales de réagir et de dénoncer les exactions qu’Israël commet envers nos consoeurs et confrères et de demander des comptes. Nous menons une campagne constante pour sensibiliser l’opinion publique mondiale aux dangers auxquels font face les journalistes à Gaza. Nous demandons également une couverture médiatique soutenue pour que le monde ne perde pas de vue l’importance de protéger les journalistes.”

Lire aussi – Anthony Bellanger : Nous sommes en train de soumettre un troisième dossier devant la CPI

En décembre 2023, le secrétaire général de la FIJ, Anthony Bellanger, a déclaré dans un entretien à Echorouk Online que l’organisation avait soumis deux dossiers à la Cour pénale internationale (CPI) concernant le ciblage des journalistes palestiniens. À propos de l’évolution de ce dossier, Morinière précise : Nous avons déposé deux dossiers et un troisième est en préparation. À ce jour, les dossiers soumis à la Cour pénale internationale (CPI) sont toujours en cours d’examen. Deux ont été déposés en 2022 (dont celui concernant Shireen Abu Aqleh) et sont entre les mains du procureur de la CPI, mais il n’y a pas eu de réaction pour le moment. Nous sommes en train de constituer le troisième dossier qui est en lien avec les attaques contre les journalistes depuis le 7 octobre 2023. Cependant, il est important de souligner que le processus judiciaire à ce niveau peut prendre du temps, surtout lorsqu’il s’agit de crimes de guerre, lorsque des civils, en l’occurrence des journalistes, sont l’objet de ces ciblages. Nous continuons de pousser pour que la CPI prenne des mesures urgentes afin d’ouvrir des enquêtes et de poursuivre les responsables des attaques perpétrées de manière systématique contre les journalistes. Nous faisons également pression sur la communauté internationale pour qu’elle soutienne cette démarche.”

L’action de la FIJ, organisation internationale regroupant 600000 journalistes, pour protéger les journalistes palestiniens ne se fait pas seule, elle s’ajoute aux nombreuses actions d’autres ONG et organisations onusiennes dénonçant le ciblage des journalistes palestiniens par l’armée d’occupation et appelant à leur protection.

Mais sur l’efficacité des textes juridiques et des institutions internationales, Morinière reconnaît : Les lois et institutions internationales existent, mais leur efficacité reste limitée. Elles ne sont pas suffisamment contraignantes. Par exemple, il est clairement précisé dans les résolutions de l’ONU que les journalistes doivent être considérés comme des civils et ne pas être pris pour cibles. Or c’est le cas. Bien qu’il y ait des mécanismes comme la Cour pénale internationale ou les résolutions de l’ONU qui théoriquement visent à protéger les journalistes, dans la pratique, ces institutions manquent souvent de moyens d’action rapides et efficaces. Le manque de sanctions concrètes et l’inefficacité des mécanismes de justice internationale ont permis à de nombreux responsables de crimes contre les journalistes de ne pas être poursuivis. Il est impératif que la communauté internationale mette en place des sanctions plus strictes et que les institutions de justice soient renforcées pour protéger réellement les journalistes, surtout dans des zones de guerre comme Gaza. Depuis plusieurs années, nous demandons l’adoption d’une convention internationale contraignante pour la sécurité des journalistes qui obligerait les états du monde entier à protéger les journalistes.”

La cheffe du département Communications et campagnes de la FIJ, Pamela Morinière, souligne que son organisation fait face à des défis pour mobiliser un soutien en faveur des journalistes palestiniens, en raison de la “politisation du conflit”, et explique :Souvent, les discussions sont éclipsées par les enjeux géopolitiques, et les victimes sont perçues à travers le prisme de cette guerre. Nous devons lutter contre la tendance à minimiser ou à ignorer les meurtres de journalistes en raison de l’aspect politique de ce conflit. De plus, il y a la question de l’accès limité à Gaza des journalistes étrangers, ce qui rend difficile la collecte de preuves et la couverture médiatique nécessaire pour sensibiliser l’opinion publique mondiale. Il est également compliqué de faire pression sur les gouvernements et les institutions internationales, surtout lorsque certains soutiennent des actions militaires qui violent les droits des journalistes. Nous restons déterminés. Nous sommes en contact très régulier avec notre affilié palestinien, suivons de très près l’évolution du conflit et continuons à sensibiliser l’opinion et les gouvernements pour obtenir des actions concrètes pour protéger les journalistes et faire en sorte que leur travail soit respecté à Gaza et qu’ils puissent être épaulés par leurs collègues étrangers sur le terrain.”

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