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3e vague, variants, vaccination

Pr Sanhadji: «Il y a un relachement affolant, les Algériens ont abandonné les gestes barrières»

Nabila Hocine
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D.R
Pr Kamel Sanhadji, président de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire

Alors que le pays a vécu pendant plusieurs semaines, une certaine accalmie en matière de contaminations au Covid-19, ou de décès liés a la pandémie, les chiffres surtout avec l’apparition de nouveaux variants, ont relativement augmenté de nouveau. Faut-il penser a l’avènement potentiel d’une 3ème vague du Coronavirus en Algérie?

Nous avons interrogé Professeur Kamel Sanhadji, président de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire sur le sujet.

Entretien:

Nabila Hocine: Après quelques semaines d’accalmie, l’Algérie enregistre une augmentation relative des cas Covid-19, est-ce inquiétant ou non a ce stade?

Pr Sanhadji: Ce n’est pas encore le cas mais le risque est toujours présent, ça augmente d’un million et demi de contaminations dans le monde tous les deux jours, principalement avec l’avènement et l’apparition des différents variants. En Algérie, effectivement nous vivons une situation relativement favorable. On assiste a une tendance haussière, cela peut s’expliquer d’une façon rationnelle et logique avec l’arrivée des variants, mais surtout ce qui est inquiétant, c’est le facteur humain, «chasser le naturel, il revient au galop».  Il y a un relachement affolant, les Algériens ont abandonné les gestes barrières et pour contrer ce virus, il faut actuellement mettre le paquet sur la prévention. Le masque est le plus important, c’est plus que jamais le moment de le porter, car les variants ont une capacité de pénétration très importante et très rapide, et possèdent donc une capacité accrue de transmission. De ce fait, les distances sociales aussi sont a revoir, il faudrait passer d’un mètre a deux de telle sorte a ce que le virus ne se passe pas d’une personne a une autre facilement.

Nabila Hocine: Si les chiffres demeurent en hausse dans les prochains jours, devrions-nous nous attendre a un reconfinement plus strict après le Ramadan?

Pr Sanhadji : Ce sont les résultats qui vont parler, au cas où il y a une flambée importante, une catastrophe, il “FAUT” confiner, s’il le faut même totalement, il en va de l’intérêt de tout un chacun.

Quand on a un danger imminent, un risque létal, devant soi, il faut prendre des mesures pour pouvoir se barricader, et je suis même pour qu’on puisse anticiper, en mettant en place trois ou quatre centres hospitaliers dans différentes régions, dédiés exclusivement aux malades Covid; cela faciliterait la gestion, limiterait la propagation du virus, et soulagerait le personnel médical qui n’aura pas a s’occuper des autres pathologies au même moment.

Nabila Hocine: Quel est votre avis sur l’hypothèse de l’immunité collective, pour justifier la stabilité des cas qu’a connus l’Algérie les dernières semaines, est-elle possible a atteindre?

Pr Sanhadji : Partiellement oui, car il y a eu des personnes qui ont eu le Covid et qui sont guéries, mais actuellement, ce n’est pas possible d’avancer cette hypothèse, il y a eu deux études de séroprévalence dans deux régions, a savoir Alger et Oran, mais sur un échantillon réduit de personnes (1000 personnes ont été testées). Ces études ont démontré que 50% avaient en effet des anticorps, mais ce n’est pas assez pour en parler, il faudrait procéder a des études beaucoup plus importantes, et qui touchent toutes les franges de la population pour avoir une image réelle de cette immunité collective.

Nabila Hocine: Les personnes déja atteintes de Covid, et qui comme vous le dites sont protégées par l’immunité post-infectieuse, doivent-elles se faire vacciner quand même?

Pr Sanhadji: L’Agence de sécurité sanitaire préconise de faire comme cela se fait ailleurs, c’est-a-dire d’administrer une seule dose pour les personnes qui ont déja contracté le virus, c’est la dose infectante pour la primo-vaccination. Des études ont démontré les bénéfices de cette procédure de dose unique sur les personnes déja infectées, et qui développent ainsi un niveau d’anticorps beaucoup plus élevé que les patients sains, vaccinés avec deux doses.

Ceci est très intéressant dans notre pays, dans la mesure où nous avons du mal a acquérir les doses nécessaires pour vacciner toutes les populations (a cause des retards de livraison), en se basant sur les chiffres officiels, nous avons en tout 120.000 personnes contaminées, donc au lieu de leur administrer deux fois 120.000 doses, on ne le fera qu’une fois et on va pouvoir vacciner 60.000 autres personnes vierges.

Nabila Hocine: Justement, quelle est l’efficacité des différents vaccins qu’on trouve sur le marché actuellement?

Pr Sanhadji: le meilleur vaccin est celui que vous avez a disposition! Tous les vaccins qu’on connaît actuellement sont équivalents, quand on vaccine avec n’importe quel type de vaccins, les anticorps que vous allez produire ne peuvent pas révéler lequel des vaccins a été le plus efficace, vous aurez des anticorps a un niveau élevé de toutes les façons.

Par contre, la différence est dans la fabrication..On a des vaccins qui ont été fabriqués selon un mode traditionnel, ce sont des vaccins atténués ou inactivés (ou tués)…Puis vous avez d’autres vaccins a vecteurs (comme l’adénovirus) qui va vous immuniser contre le rhume et contre le Coronavirus, il y a aussi les vaccins a ARN qui quand on vous l’injecte jouera le rôle de l’ARN comme si vous aviez été infecté par le virus.

Ce sont les effets secondaires de ces vaccins qui vont faire la différence, pour que les vaccins traditionnels fonctionnent bien, il faut qu’ils soient immunogènes pour qu’ils puissent induire une réponse anticorps intéressante, on leur rajoute ce qu’on appelle des adjuvants (des produits chimiques qui permettent d’augmenter la réponse immunitaire), mais ce sont ces adjuvants qui parfois donnent des effets secondaires un peu plus importants. Vous avez aussi les adénovirus qui peuvent avoir comme effets secondaires, des symptômes de grippe…Mais aussi d’autres qu’on n’a pas vu auparavant, comme les thromboses…Les vaccins comme Astrazeneca, utilisés a grande échelle ont donné ce genre d’effets et ont conduit a quelques décès, mais  les décès dus aux thromboses ne sont pas supérieurs aux décès dus au Coronavirus.

Nabila Hocine: Concrètement, lequel de ces vaccins engendre le moins d’effets secondaires?

Pr Sanhadji: Ce n’est que lorsque ces vaccins seront utilisés couramment, ce qu’on appelle la phase 4 liée a l’utilisation du vaccin dans la vie courante, mais ce n’est qu’après des années qu’on pourra savoir si un vaccin a des effets secondaires importants, c’est la même chose pour les médicaments de manières générale, le risque est valable dans tout ce qui est utilisable en médecine comme thérapeutique. La seule différence est qu’on injecte le vaccin sur des personnes qui ne souffrent pas de maladies, c’est ce qui déclenche le réflexe de la peur de son utilisation, car les risques sont lus par quelqu’un qui n’est pas souffrant.  De ce fait, les gens ont plus peur du vaccin que du virus et ça, c’est paradoxal!

Nabila Hocine: Après avoir été vacciné, peut-on quand même être testé positif?

Pr Sanhadji: Logiquement NON! On peut être testé positif par rapport aux anticorps si on refait un test sérologique car on a été en contact avec le virus soit naturellement, soit avec la vaccination, mais après avoir reçu les deux doses au bout de trois mois on n’aura plus de test positif.  En revanche, si on l’est c’est que c’est en rapport soit a une anomalie chez l’individu (qui souffre de troubles du système immunitaire…), ou bien la positivité peut être reliée a un virus qui a muté d’une façon très importante, de sorte a ce que le système immunitaire le voit comme étant un agent nouveau.

Nabila Hocine: Quels sont les principaux risques posés par les différents variants?

Pr Sanhadji: La majorité de ces variants est réceptive aux vaccins qui existent actuellement. Les variants touchent en réalité, une partie du virus, celle qui se fixe sur la cellule cible, et comme elle est courte, et pas très élevée, elle va générer un certain nombre de variants (peut-être 15 ou 20), ce sera donc limité, on en est déja a une dizaine de mutants.

Nabila Hocine: On parle dernièrement d’un autre variant “le tunisien”, devrions-nous nous en inquiéter au vu de la proximité géographique?

Pr Sanhadji: On sait que les frontières sont fermées, cet aspect explique pourquoi chez nous en Algérie, nous n’avons pas connu de flambées graves.

Nabila Hocine: L’Algérie a pourtant enregistré des cas de variants britanniques et nigérians, comment cela s’explique?

Pr Sanhadji: Oui, des variants nigérians sont apparus dans le Sud vers Oued Souf, Touggourt, Ouargla…

Il y a des passages clandestins, c’est un marqueur évident de la porosité de la frontière, on ne peut pas la garder avec un mur, il y a bien des points de passage qui expliquent l’apparition de ces variants chez nous.

Toutefois on peut aussi développer un variant localement, on pourrait dans les prochaines semaines dire qu’on a le variant “algérien”, s’il y a une mutation chez nous qui n’est pas décrite ailleurs, on la baptisera “variant algérien”.

         Vous trouverez l’intégralité de l’entretien en cliquant ici

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