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Mandats d’arrêt contre Nétanyahou et Gallant:

Johann Soufi, avocat international : La requête du Procureur de la CPI “marque une rupture fondamentale”

Propos recueillis par Madjid Serrah
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Johann Soufi, avocat international : La requête du Procureur de la CPI “marque une rupture fondamentale”
D. R
Johann Soufi est ancien chef du bureau des affaires juridiques de l'UNRWA à Gaza, 2020 - 2023.
Le Procureur de la Cour Pénale Internationale, Karim Khan, a annoncé lundi 20 mai avoir demandé des mandats d’arrêt contre Benyamin Nétanyahou et Yoav Gallant pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité : “le fait d’affamer délibérément des civils”, “diriger intentionnellement des attaques contre la population civile”, et “l’extermination et/ou le meurtre”.
L’avocat et procureur international Johann Soufi, spécialisé dans la justice pénale internationale, analyse dans cet entretien avec “Echourok Online” cette requête du procureur de la CPI et ses conséquences.

Echourok Online: Comment analysez-vous l’annonce du procureur de la CPI concernant la demande de mandats d’arrêt contre Netanyahou et Gallant ?

Johann Soufi : Si les mandats d’arrêt sont confirmés par la Chambre préliminaire – ce que j’anticipe – cela constituerait une décision historique pour la Cour et pour les victimes en Palestine.
Pour la CPI, d’une part, car les critiques sur sa sélectivité et sa politique pénale prétendument « pro-occidentale » s’étaient intensifiées ces derniers mois. Avec ces requêtes, le Procureur Karim Khan démontre, au contraire, son impartialité et son indépendance. À mon avis, cette décision contribuera à renforcer la légitimité de la Cour sur la scène internationale, malgré les attaques virulentes auxquelles elle sera confrontée dans les prochains mois. D’ailleurs, il est important de rappeler que le Procureur demande des mandats d’arrêt non seulement contre des responsables israéliens, mais aussi contre des dirigeants du Hamas, ce qui contribue aussi à contrer les accusations de partialité qui sont désormais formulées contre le Procureur dans certains médias occidentaux.
Pour les victimes palestiniennes, d’autre part, qui étaient privées de justice depuis des décennies. Pour beaucoup, la Palestine était devenue en quelque sorte un « cimetière du droit international ». Avec cette requête, le Procureur de la Cour offre un espoir que leur souffrance soit enfin reconnue et que les auteurs des crimes à Gaza comme en Cisjordanie ne jouissent plus de l’impunité qui a prévalu jusqu’à présent. C’est un pas vers la paix, car cette impunité a contribué au ressentiment, à la haine et à la violence au Proche-Orient.

Quelle pourrait être la suite de cette demande ? Est-il possible que les juges de la cour la rejettent ?

C’est une possibilité, car en vertu de l’article 58 du Statut de la Cour, il revient aux trois juges de la Chambre préliminaire de déterminer si les conditions sont réunies pour délivrer ces mandats d’arrêt.
Toutefois, je n’y crois pas pour plusieurs raisons. D’abord, le rôle des juges de la Chambre préliminaire n’est pas de mener une nouvelle enquête, mais simplement de contrôler la régularité de la demande sur la base des informations fournies par le Procureur. Ensuite, parce qu’il est indéniable que des crimes relevant de la compétence de la Cour ont été commis par des responsables militaires et politiques israéliens . Enfin, car le Procureur s’est assuré de la solidité de sa requête en faisant appel à un groupe de juristes réputés et médiatiques, tels que le juge israélo-américain Theodore Meron et la juriste libano-britannique Amal Clooney, qui ont certifié la rigueur de la requête du Procureur et qui la soutiennent publiquement.
Je suis persuadé que dans quelques semaines ou quelques mois, les mandats d’arrêt seront émis.

Quels sont les scénarios possibles après l’émission de ces mandats d’arrêt internationaux ?

Si les mandats d’arrêt sont émis, cela signifie que ces individus sont officiellement recherchés par la juridiction internationale et que les 124 états parties au Statut de la CPI ont l’obligation de les arrêter et de les remettre à la Cour. Bien qu’il prétende le contraire, c’est une menace extrêmement sérieuse pour Benjamin Netanyahou.
Les États occidentaux, notamment les États-Unis, vont être confrontés à un choix extrêmement important. Deux options s’offrent à eux : soit ils cherchent à entraver le travail de la Cour et discréditent ainsi définitivement leur discours sur l’importance du droit international et de la justice internationale — une option que semblent envisager certains responsables politiques américains aujourd’hui ; soit ils retrouvent la raison et s’engagent à respecter l’indépendance de la Cour et à la soutenir malgré cette décision qui les embarrasse. Cela signifierait très concrètement de s’engager à arrêter les dirigeants israéliens qui se risqueraient sur leur territoire, mais aussi et surtout de coopérer avec le Procureur dans le cadre de son enquête. C’est l’option que choisiront la majorité des démocraties européennes, j’en suis convaincu. Ils n’auront pas d’autre choix.
Toutefois, je pense qu’il est peu probable qu’il y ait un procès à court ou moyen terme, car la Cour ne peut pas conduire de procès par défaut. Les Israéliens ne livreront pas leurs ressortissants. Il me semble aussi difficile de penser que l’Autorité palestinienne puisse arrêter et livrer les hauts responsables du Hamas. Je ne pense pas non plus qu’Israël accepterait de livrer les dirigeants du Hamas à la Cour de peur qu’ils disposent d’une tribune lors de leur procès à La Haye. Cependant, s’il y a une chose que j’ai apprise dans ma carrière, c’est qu’il ne faut jamais dire jamais. Les réalités politiques d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain.

L’Assemblée générale de l’ONU a reconnu la Palestine comme éligible au statut de membre à part entière, et l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont reconnu la Palestine comme État. Comment cela pourrait-il faire avancer la cause palestinienne ?

Les pays occidentaux ne peuvent plus continuer à invoquer la « solution à deux États », qui serait la seule capable de ramener la paix dans la région, tout en ne reconnaissant pas l’existence de l’État palestinien. C’est incohérent. La décision de ces trois États, qui seront bientôt rejoints par d’autres, est donc la seule susceptible de contribuer à la paix dans la région.
Il s’agit d’un symbole important, mais qui ne doit pas faire oublier l’essentiel. D’abord, l’admission pleine et entière de la Palestine comme État membre de l’ONU reste conditionnée à une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies et à l’absence de veto américain. Or, dans l’état actuel des choses, cela semble compromis. D’autre part, et surtout, l’effectivité des droits attachés à un État n’est pas réunie aujourd’hui en raison de l’occupation et de la colonisation de son territoire. Sans un changement majeur de la politique des États occidentaux à ce sujet, et sans sanction de la politique coloniale israélienne, l’État palestinien demeurera malheureusement une chimère.

Est-ce que la Cour pénale internationale peut-elle mettre fin à l’impunité dans ce conflit dans le cadre de l’ordre mondial actuel ?

Malheureusement, la Cour pénale internationale ne peut pas « mettre fin à l’impunité » de tous les auteurs ni apporter justice à l’ensemble des victimes. C’est un objectif irréaliste, compte tenu du nombre important de crimes commis durant ce conflit. Il revient en premier lieu aux États de lutter contre les crimes commis par leurs ressortissants. Or, ni les Israéliens ni les Palestiniens ne semblent vouloir ou être capables de poursuivre les auteurs de crimes internationaux. De plus, la Cour dépend exclusivement de la coopération des États parties avec elle. Or, on constate comment, aujourd’hui comme hier, ceux-ci ne sont pas prêts à s’engager réellement pour contraindre Israël à respecter le droit international.
Cependant, cela ne signifie pas que la CPI ne joue aucun rôle positif dans ce conflit. Au contraire, en poursuivant Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, la Cour peut contribuer à lutter contre le sentiment d’impunité qui prévaut depuis des décennies chez les responsables politiques et militaires israéliens. Elle peut également aider à combattre le sentiment d’injustice ressenti par les Palestiniens, qui nourrit le ressentiment et l’esprit de vengeance. À ce titre, la requête du Procureur marque une rupture fondamentale et constitue un moment historique.
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