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Malek Chebel raconte en exclusivité pour Echorouk son pèlerinage aux Lieux-Saints de l’islam : « Se laver de tous ses péchés, et retrouver la pureté originelle »

الشروق أونلاين
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Malek Chebel raconte en exclusivité  pour Echorouk son pèlerinage aux Lieux-Saints de l’islam : « Se laver de tous ses péchés, et retrouver la pureté originelle »

La Kaaba, temple cubique, est le cœur névralgique de l’ensemble du pèlerinage et même de l’islam. Peut être le lecteur a-t-il vu à la télévision des reportages sur la foule immense qui tourne autour de la Kaaba .Cela s’appelle le tawaf, mais une chose est sûre : la réalité dépasse largement la fiction. Spectacle impressionnant en effet que ce cratère de montagnes qui bordent la Mecque de toutes parts. Et c’est dans ce cadre grandiose, un amphithéâtre sombre et volcanique de 4 kilomètres carrées, que plus de 2 millions de personnes vont s’agglutiner et observer les rites qui constituent la raison même du pèlerinage : la rencontre de la Demeure de Dieu, Bayt Allah al Haram, selon le mot même du Coran (III ,91).

 

  • SMS : « Cher ami, Voulez-vous participer au prochain pèlerinage à la Mecque ? Prise en charge totale, Paris- la Mecque-Paris, pour deux personnes. Vous partirez si Dieu le veut, la semaine procéventualité d’un stress supplémentaire m’a découragé. Cette fois- ci, j’ai accepté. Intuition ou folie ?  Me voici à Roissy. 10 heures. Nous décollons à 12h30 pour neuf heures de vol jusqu’à Djedda, l’aéroport international de la mer Rouge. Entre Ryad, où nous avons fait escale, et Djedda. Le capitaine de bord nous informe que nous entrons dans l’espace sacré qui englobe La Mecque et Médine. Dans l’appareil, où un petit réduit est prévu à cet effet, nous nous dépouillons de nos vêtements profanes pour revêtir l’ihram, le vêtement sacré. Nous voilà tous accoutrés à la manière de Gandhi, il ne nous manque que le bâton. La Mecque, 1 heure du matin. J’ai l’impression de mettre mes pas dans ceux des grands personnages du passé, le voyageur Ibn  Battouta, Lawrence d’Arabie, le peintre Etienne Dinet, mais surtout dans ceux du prophète Mahomet lui-même, né à La Mecque  vers 570 après J.C. Quelle émotion ! A- t-on déjà évalué le nombre de pèlerins qui, depuis le début de l’islam,  ont foulé cette terre si spéciale et promené leurs regards sur les montagnes brûlées qui l’enserrent ?
  • Les plus téméraires d’entre nous, Mohamed, un érudit de la mosquée de Paris, Saïd et d’autres n’attendent pas le lever du jour pour entamer leur petit pèlerinage d’entrée à la Mecque,  la « omra ». Saïd, un musulman français d’origine espagnole, un converti, extrêmement pieux  ne cesse de dire « Macha ‘Allah »,  « Telle est la volonté d’Allah ». Même la lenteur abyssale de certains fonctionnaires trouve grâce à ses yeux, à fortiori la bénédiction du ciel que représente le nombre de mosquées au kilomètre carré. Saïd a réussi la prouesse de concentrer sur lui toutes les bonnes influences du groupe qui l’accompagne. Ce qui lui importe le plus,  c’est de ne rater aucune prière, aucune oraison, et les prières et invocations  sont  multiformes, comme celle-ci, la fameuse  talbiya :  « labbayk Allahouma  Labbayk… » Ce qui signifie : « Me voici, mon Dieu, me voici ! » Des milliers de pèlerins la psalmodient en même temps. Et cela se poursuit : « La charika lak » : « Tu n’as pas d’associé. » Le monothéisme absolu ! L’hôtel qui nous a été réservé n’est qu’une adresse postale, un pied à terre. Ce qui compte maintenant, c’est le processus incroyable du grand pèlerinage. Le hadj, l’une des cinq obligations de l’islam que nombre de musulmans rêvent d’accomplir au moins une fois dans leur vie. Dès midi, nous nous installons sous la tente, dans une vallée proche de la Mecque proche de la Mecque appelée Mina.
  • Au carré des invités du Roi,  dont la vocation ancestrale est d’être «  le   protecteur des deux lieux saints de l’islam », la vie s’organise comme dans un camp scout, rythmée selon le cycle éprouvé depuis toujours : ablutions, prières, invocations,  puis récitation du Coran, de nouveau prières, invocations, etc. Le but affiché est de se laver de tous ses péchés, de retrouver la pureté .Cependant, le viatique est réduit à l’essentiel. On vit dans un long vêtement blanc, d’un blanc de moins en moins immaculé. D’emblée, les hommes et les femmes sont séparées, de façon à éviter la nervosité trouble que le démon est prêt à leur inspirer. Ici, la  moindre tentation, le moindre frôlement sont de nature à frapper d’annulation tout le rite.
  • Autre clause d’annulation, le laisser aller en matière d’hygiène, poussée jusqu’à l’obsession. Malgré leur dureté, le pèlerin se fait un point d’honneur de se conformer à tous les interdits coraniques : jeux et musique profane, rapports sexuels, chasse ou pêche. Il va sans dire que les boissons alcoolisées et les nourritures non conformes aux règles du halal sont frappées d’une malédiction spéciale. Prohibés également, la violence verbale et physique,  la médisance, l’esprit querelleur .Etre hadj est une activité à temps pleine, une responsabilité et une charge à l’exigence digne des plus grandes compétitions sportives. Car il faut courir, marcher, grimper, tourner sept fois autour du sanctuaire de la Kaaba, aller sept fois de Safa à Marwa, et prier, prier, prier. On ne sort pas indemne de cette épreuve, tant elle est surdimensionnée.
  • Lorsque, à l’aube du troisième jour, débute la grande transhumance vers le mont Arafat, à 21 Kilomètres plus au sud, ce sont plus de 2,5 millions de personnes qui se ruent sur le lieu dit pour y poser leurs pénates pendant le jour crucial du hadj, le huitième du mois musulman, et attendre le coucher du soleil. Arafat, c’est la journée majeure du hadj. Le prophète aurait dit que le hadj pouvait s’y résumer, et la journée ici est particulièrement radieuse. Imaginons une ville comme Lyon ou Strasbourg, dont les habitants transhument d’un endroit à un autre. C’est ce que font les pèlerins lorsqu’ils quittent Mina pour Arafat, qu’ils abandonnent dix –huit heures plus tard pour se poser à nouveau à  Mouzdalifa, à 10 kilomètres en amont, sur le chemin du retour. Déjà en 1931, Albert Londres écrivait : « je vous adjure de vous représenter cent mille individus :Afghans, Javanais, Hindous, Egyptiens, Yéménites,  Philippins, Soudanais, Persans, Iraniens, Sénégalais et Maghrébins, Chinois  du Turkestan et Balkaniques, Boukhariotes et Polonais, d’autres inconnus, d’autres méconnaissables…… » A ceux-ci, il faut désormais ajouter les musulmans des anciennes républiques soviétiques, les Kirghiz, les Tatars, les Kazakhs, les musulmans européens et ceux d’Amérique du Nord, ceux de Malaisie, du Bangladesh, des Comores ,  d’Afrique de l’Est et de Syrie, sans compter les mille palestiniens qui ont été invités par les autorités saoudiennes. Il ne faut pas perdre le fil, et beaucoup de musulmans asiatiques ou africains viennent avec des guides. Les invocations qu’ils récitent étant en arabe, on les voit les murmurer à partir d’une transcription phonétique. La linguistique en prend un sacré coup, mais qu’importe, le rituel est sauf. Sur le chemin de Mouzdalifa, les pèlerins ramassent sept cailloux-ou un multiple de sept-, car le lendemain à Mina, Satan sera lapidé trois fois de suite, pour commémorer le refus d’Abraham, tenté par le diable, de ne pas obéir à l’injonction terrible de Dieu : sacrifier son fils .Une forêt de bras vengeurs lancent ces sept cailloux sur la stèle qui symbolise le démon tentateur en lui rappelant Qu’Allah est le plus grand : « Allahouakbar ».
  • La Kaaba, temple cubique, est le cœur névralgique de l’ensemble du pèlerinage  et  même de l’islam. Peut être le lecteur a-t-il vu à la télévision des reportages sur la foule immense qui tourne autour de la Kaaba .Cela s’appelle le tawaf, mais une chose est sûre : la réalité dépasse largement la fiction. Spectacle impressionnant en effet que ce cratère de montagnes qui bordent La Mecque de toutes parts. Et c’est dans ce cadre grandiose, un amphithéâtre sombre et volcanique de 4 kilomètres carrées, que plus de 2 millions de personnes vont s’agglutiner et observer les rites qui constituent la raison même du pèlerinage : la rencontre de la Demeure de Dieu, Bayt  Allah al Haram, selon le mot même du Coran (III ,91). Mais imagine-t-on l’énergie que cela demande à un humble pèlerin immergé dans cette foule pour réussir à toucher la Pierre noire sacrée ? Une foule incommensurable, aussi compacte que le granit, sans états d’âme, une foule qui n’a ni maître ni gouvernail, mais qui semble mue par une force surhumaine. Elle entraîne l’individu singulier toujours en avant et sept fois de suite, le ramène méthodiquement à son point de départ .De la lave en fusion, mais ici la lave rejoint le cratère et non l’inverse. Une foule paradoxale, aussi, dès lors que la puissance impériale s’allie à la douceur infinie,  airain d’un côté, soie de l’autre. Pourtant, le danger peut jaillir de partout, une hésitation, un ralentissement, un grain de sable dans ce  mécanisme brownien, et tout peut déraper, provoquer une tragédie. Encore peu étudiée au plan cinétique, l’évolution de cette foule est désormais filmée par les services de sécurité qui survolent en hélicoptère Mina et la Kaaba.  Ah, les hélicos ! J’avais l’impression d’assister au tournage «  d’Apocalypse Now » Appareils redoutables et aussi vastes que des maisons. Ils surgissent  de nulle part et vous intiment le respect par leur lenteur calculée. Depuis tôt le matin, en un ballet incessant, ils tournent dans le ciel de Mina, observent et analysent le moindre mouvement suspect de la foule. Les hélicoptères sont devenus des alliés indispensables de la sécurité des pèlerins, qui payèrent le prix lourd les précédentes années. On saura désormais que la panique mortelle d’antan n’a pas endeuillé le pèlerinage 2009, et même la grippe H1N1, un moment redoutée,  notamment par la Tunisie et le Sultanat d’Oman, n’a pas provoqué d’hécatombe. Mais la pression de la fouler demeure constante.
  • Se fondre dans la collectivité
  • Rude épreuve. Tout s’embrouille dans ma tête, car me voilà au milieu d’une marée humaine. Une sarabande de mots m’assaille : tourbillon, maelström,  tornade…..Je me dis : Vers quel appel suprême court-elle, que veut-elle satisfaire ? » Prières, invocations et appels vibrants fusent de partout. A l’mage des autres rites de l’islam, l’une des données du pèlerinage, c’est d’être observé collectivement. Pas de place pour la solitude, même si la médiation individuelle est respectée. On voit d’ailleurs certains croyants ramassé sur eux-mêmes, dans un coin de la mosquée, qui prient Allah sans se préoccuper du tumulte ambiant. La Kaaba symbolise à elle seule l’immersion totale dans la communauté des croyants et, en même temps, la rotation des planètes autour du Soleil. Le chiffre 7 renvoie aux sept planètes, aux sept jours de la semaine, aux sept climats, .Toutefois,  au-delà des symboles, le fait de se lancer dans la mêlée demeure malgré tout une rude épreuve Il faut jouer des coudes, ne pas avoir peur de défendre son pré carré. A cet exercice de force et d’adresse les Africains sont les meilleurs, mais aucune nationalité n’est prête à s’en laisser conter : Allah mérite tous les sacrifices, les ampoules, les bleus, les foulures, les entorses. Chaque groupe forme une masse compacte et va de l’avant sans jamais se retourner. De la terrasse, on peut suivre la manière dont la résistance des uns prend le dessus sur le lâcher-prise des autres, et inversement. Les caméras de surveillance enregistrent de manière ininterrompue ces ellipses étranges  qui se forment  et qui se déforment sans cesse.
    Le plus remarquable est cependant le groupe des Indonésiens, peuple discipliné et assez énigmatique : ils forment des carrés de plusieurs centaines d’individus et arrivent à tourner en toute tranquillité. Quelques uns ont eu le souhait de constituer une double rangée autour des femmes, ce qui permet à celles-ci de participer au rite sans se faire marcher dessus. Un autre parcours adjacent à la Mecque mérite d’être expliqué. En effet, une course appelée  sa’yi emmène le flot interminable des pèlerins à deux endroits symboliques, Safa et Marwa, distants

    De 395 mètres l’un de l’autre.  Ces deux monticules ont joué un rôle important dans l’histoire de la religion, ce que le Coran évoque distinctement dans l’un  des versets. Il s’agit pour les croyants de reproduire à l’identique la frayeur vécue par Hajjar, femme d’Abraham, lorsque, manquant d’eau, elle s’est trouvée démunie, avec son fils  Ismaël,   qui a failli mourir. Une voix  lui dit de frapper le sol de ses talons, ce qu’elle fit quand soudain la source de ZAMZAM jaillit devant elle. Etonnante source de ZAMZAM qui a traversé les âges  depuis Abraham jusqu’à nos jours sans jamais tarir. Encore aujourd’hui, des milliers de pèlerins rapportent chez eux  aux quatre coins du monde, un nombre considérable de jerricans, qu’ils débitent ensuite parcimonieusement, en litres, demi-litres, verres, biberons pour bébés et même aspersions pour malades. Résumons : La Mecque, au premier jour, pour un petit pèlerinage privatif appelé Omra .Ensuite, deuxième et dernier jour à Mina, avec ses centaines de tentes posées comme des œufs d’autruche entre deux contreforts brûlés par le soleil.

    Enfin, le Mont Arafat, où l’on passe la journée. Retour par Mouzdalifa, autre moment de recueillement, puis toute une série de rites successifs pour valider le rite, comme la lapidation de Satan, le sacrifice du mouton et le fait de se raser la tête. Le sacrifice du mouton, rn souvenir de l’épisode d’Ismaël,  fils aîné d’Abraham, dont Dieu exigea la mort pour tester la foi du père, a lieu durant trois jours à Mina, dits « jours du sacrifice ». Le cycle est clos après un tawaf d’adieu autour de la Kaaba.

    Après tous ces moments intenses, nous voilà sur le départ pour Médine, deuxième ville sainte de l’islam à 447 kilomètres au nord, et sanctuaire des tombes du Prophète, de ses compagnons et de ses femmes. Elle fut naguère le siège de la première communauté musulmane structurée, la cité-Etat de Médine. Des milliers d’autocars surclimatisés sont réquisitionnés afin de soulager la Mecque. Et c’est de nuit qu’il faut voyager dans ce pays où la température annuelle moyenne dépasse souvent 4O°.

    Je retrouve Saïd, le Don Quichotte de l’islam. Il me raconte son expérience de la Mecque : « Tu te rends compte, me dit-il avec une pointe d’élan mystique dans la voix, j’ai fait  une invocation à Allah,  et il m’a comblé.  A 3 heures du matin, après  plusieurs tours autour de la Kaaba, j’ai enfin réussi à toucher la Pierre noire. Je me suis accroché plusieurs minutes à l’embouchure, et personne ne m’a poussé. J’y ai même mis la tête. Tu ne peux pas savoir ce que l’on ressent. »

    (LE PELERINAGE EN CHIFFRES : 2,4 millions nombre total des pèlerins : 1,6 millions de pèlerins étrangers, 35.000 pèlerins français,160 pays de provenance, 100.000 agents de sécurité, 20.000 membres des services médicaux, 20.000 bus.)

    Avec l’aimable autorisation pour la publication de cet article, Malek CHEBEL Anthropologue de l’islam. Auteur de la Nouvelle traduction du Coran et du « dictionnaire encyclopédique du Coran » aux éditions Fayard- Paris.     

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