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Journée noire pour Obama

الشروق أونلاين
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Journée noire pour Obama

Barack Obama se souviendra probablement de la journée du vendredi 14 mars comme de la pire qu'il ait connue depuis qu'il s'est lancé il y a plus d'un an dans la course à la Maison-Blanche. Au soir de cette journée noire pour lui, l'incertitude demeure sur l'étendue et la durabilité des dommages que sa candidature a pu subir.   Le mauvais coup est venu de celui qu’il avait toujours présenté comme son père spirituel, et un des hommes dont les propos et les jugements ont eu le plus d’importance pour lui depuis les débuts de sa carrière politique, le révérend Jeremiah Wright, pasteur de la Trinity United Church of Christ, la principale église du South Side, le quartier noir de Chicago. Le pasteur Wright a célébré le mariage de Barack et Michelle Obama, baptisé leurs deux filles, et faisait partie du groupe de conseillers religieux de la campagne Obama. Il a inspiré le titre de l’autobiographie d’Obama, The Audacity of Hope (L’Audace de l’espoir).

 La chaîne de télévision ABC avait diffusé jeudi des vidéos des sermons du révérend Wright montrant celui-ci sous un jour dont il ne s’est jamais caché, mais que les médias nationaux n’avaient jamais mis en lumière, celui d’un militant prêchant les idées qui nourrissent la frange la plus “radicale” de la communauté afro-américaine. Un article dans la page éditoriale du quotidien conservateur Wall Street Journal en avait cité des extraits dès jeudi matin. Pour le bon pasteur Wright, l’Amérique est “le plus grand terroriste au monde” et il convient de remplacer l’invocation “Dieu bénisse l’Amérique ” par “Dieu maudisse l’Amérique”.

 Car celle-ci a “répandu le Sida”. Elle n’a récolté le 11 septembre 2001 que les graines qu’elle avait semées en “bombardant Hiroshima et Nagasaki”, en “soutenant le terrorisme d’État contre les Palestiniens”, en opprimant les Noirs, aux États-Unis comme en Afrique du Sud jadis, et en vivant en exploitant le reste du monde. Wright, qui fait inlassablement campagne pour Obama dans ses sermons (reproduits et diffusés en DVD), comparant son enfance à celle de Jésus, s’en est pris de surcroît à sa rivale, Hillary Clinton, qu’il a accusée d’être la représentante “d’un pays et d’une culture contrôlés par les Blancs riches”, de n’avoir aucune légitimité à solliciter le vote des Noirs puisqu’ “elle n’a jamais été traitée de nègre” et, de toute manière, de n’être candidate que parce que son mari a été président… Confronté à ces citations et aux vidéos qui ont commencé de se répandre sur l’Internet comme une traînée de poudre, Barack Obama a commencé par accuser les journalistes d’avoir “pris des extraits choisis” des sermons de son pasteur pour l’attaquer. Puis il a minimisé les propos du révérend en présentant celui-ci comme “un vieil oncle dont on ne partage pas toujours les idées», d’autant qu’il aime “faire de la provocation”.

Dans l’après-midi, il faisait savoir quand même qu’il “réprouvait les propos et ne partageait pas les idées” exprimées par son père spirituel, mais qu’il n’était pas question de rompre avec lui. Puisqu’il n’était “pas présent à l’église quand ces propos ont été tenus”, donc qu’il n’en était pas au courant et (comprend-on) ne pouvait les condamner avant vendredi… Finalement, vendredi soir, Obama s’est senti obligé de tenter d’éteindre ce qu’il reconnaît lui-même être devenu “un incendie”.

Il s’est mis au clavier pour rédiger un message diffusé sur le site libéral (et très pro Obama) d’informations Huffington Post. Il y affirme à présent “être en total désaccord et condamner fermement les propos provocateurs et stupéfiants” du révérend Wright. Puis il est apparu sur la chaîne d’informations continue MSNBC dans Hardball, l’émission très populaire de Keith Olbermann (journaliste qui ne cache pas sa sympathie pour lui) pour y répéter les mêmes assurances. Il a expliqué les propos du pasteur par le fait que ce dernier appartient à la génération des années soixante, marquée par la colère et les conflits raciaux.

Il a surtout plaidé en ces termes : “Que les Américains me jugent non pas sur les propos d’un autre, mais sur qui je suis et ce en quoi je crois.” Juste avant sa prestation télévisée, sa campagne avait annoncé que le révérend Wright ne faisait plus partie des conseillers de la campagne. Mais il est peu probable que l’affaire en reste là. Les opinions de Wright, et la teneur de ses sermons, étaient en fait connues de longue date, même si les médias américains les avaient jusque là passées sous silence. Il est fort improbable, voire totalement incroyable, qu’Obama ait ignoré les opinions d’un pasteur qui est son mentor et dont il fréquente assidûment l’église. Il existe d’ailleurs d’autres enregistrements, audio et vidéo, de sermons auxquels lui et son épouse ont probablement assisté, dans lequels le pasteur a tenu des propos de la même eau.

 Obama lui-même reconnaît que ses adversaires républicains, s’il venait à être désigné comme candidat par les démocrates, exploiteront sans vergogne ces documents qui montrent qu’il n’a pu faire carrière politique à Chicago qu’en cultivant des milieux, en particulier dans la communauté noire, perçus comme extrémistes par une grande majorité des électeurs, démocrates comme républicains. Il en sera d’autant plus aisément présenté comme un dangereux gauchiste, ou un politicien dénué de scrupules, ou pire, de discernement, alors même qu’il a bâti son remarquable succès dans les primaires démocrates sur une image lisse d’homme “au-dessus des partis”, en rupture avec la politique traditionnelle, qui dépasse les clivages ethniques et appelle plus à l’espoir qu’au conflit. Ses chances de l’emporter contre John McCain, le candidat républicain, en seront diminuées d’autant. Hillary Clinton, son adversaire, y trouvera pour sa part un argument supplémentaire pour tenter de convaincre les dirigeants du parti démocrate que, comme l’explique Mark Penn, son stratège, “Obama ne peut l’emporter dans une élection générale”. Et qu’en conséquence, mieux vaut désigner la sénatrice de New York comme championne du parti.  

En deux semaines à peine, il est vrai qu’Obama a éte obligé d’exclure de sa campagne trois de ses principaux conseillers et amis les plus proches. Son conseiller économique, le professeur de Chicago Austan Golsbee, a payé pour avoir assuré à un diplomate canadien que les attaques de son candidat contre le Traité de libre-échange nord-américain (NAFTA) ne préjugeaient pas de sa politique s’il arrivait au pouvoir. Puis sa conseillère de politique étrangère, la professeur de Harvard Samatha Powers, a dû démissionner pour avoir révélé à la BBC qu’en dépit de sa promesse de retirer les troupes américaines d’Irak dans la première année de son mandat, Obama ne déciderait en fait du maintien ou du retrait de ces troupes qu’une fois au pouvoir, en fonction de la situation début 2009, ce qui n’est guère différent des positions de Clinton.

 Avec l’explosion de l’affaire Wright, cela fait beaucoup, et de quoi renforcer les questions (qu’Hillary Clinton ne se prive pas de poser) sur la sagacité et le jugement du jeune sénateur de l’Illinois dans le choix de ses conseillers, comme de ses amis et, par extension, ses choix politiques. Comme un malheur n’arrive jamais seul, le Chicago Tribune a publié vendredi une enquête montrant que le soutien financier accordé à Obama par le promoteur immobilier Tony Rezko, actuellement jugé à Chicago pour corruption et autres méfaits, a été beaucoup plus important que le candidat ne l’avait admis jusque là. Obama n’est accusé d’aucun délit dans cette affaire, mais sa longue association et sa proximité avec l’homme d’affaires ripou donnent des armes à ses ennemis d’autant plus redoutables qu’il se présente en homme neuf, voire vierge, des compromissions de la politique traditionnelle.

 Le seul point positif pour lui est que tout ce déballage a lieu maintenant, plutôt que pendant la campagne présidentielle elle-même. Cela lui laisse le temps de tenter de réparer les dégâts, de contre-attaquer en criant au “racisme” (une manoeuvre désormais bien rodée de ses stratèges), ou d’espérer que suffisamment d’eau aura passé sous les ponts d’ici la convention démocrate en août et le scrutin du 4 novembre pour que les philippiques du pasteur Wright aient été, sinon pardonnées, au moins oubliées par les électeurs…

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