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La linguiste française Henriette Walter à Echorouk : « Les emprunts du français à l’arabe de nature scientifique remontent au Moyen-Age »

الشروق أونلاين
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La linguiste française Henriette Walter à Echorouk :  « Les emprunts du français à l’arabe de nature scientifique remontent au Moyen-Age »

Henriette Walter, Française née en Tunisie d’une mère française et d’un père Italien est linguiste. Elle apprend très vite les langues : le français à la maison, l’italien à l’école et l’arabe dans la rue. Professeur émérite de renommée internationale, membre du Conseil Supérieur de la langue Française, ex-directrice du laboratoire de Phonologie à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne et Présidente de la Société Internationale de linguistique fonctionnelle. Elle dispose d’une bibliographie fort imposante sur l’univers des langues qu’elle manie à merveille comme l’anglais, l’espagnol ou l’italien mais aussi d’autres langues romanes ou encore l’arabe qu’elle décrire à l’occasion.

  • Ses ouvrages comme «le français dans tous les sens », « le français d’ici, de là, de là bas » ou encore « Arabesques » (avec Bassam Baraké) sur l’aventure de la langue arabe en Occident (Ed.Laffont ) ont reçu un  énorme succès public et critique. Ils ont fait par ailleurs l’objet de nombreux prix et de distinctions de la part de  l’Académie Française et de la SGDL.
  • On lui doit également  «l’aventure  des langues en Occident et l’aventure des mots français venus d’ailleurs » où elle raconte comment la langue française s’est bâtie et propagée au cours des siècles et surtout comment elle s’est enrichie au fil des temps.
  • Qu’en est il au juste aujourd’hui de la langue française, de son parcours au cotés d’autres langues comme l’arabe par exemple, tant il est vrai qu’elle a perdu du terrain tout en résistant farouchement dans le grand concert des langues. Et peut- on dire comme certains le pensent que le rayonnement international du français n’est plus ce qu’il était ?
  • Au cours de cet entretien qu’elle a bien voulu nous accorder, Henriette Walter nous a éclairés sur toute l’aventure du français et de l’arabe à travers «  Arabesques »son dernier ouvrage avec Bassam Baraké. Cet ouvrage c’est un peu l’histoire de l’Orient mêlée à celle de l’Occident  et plus particulièrement à travers celle de deux langues : l’arabe et le français qui se sont croisées et influencées au hasard  de leur cheminement.
  • Alors que le français s’est développé de façon originale pour des  raisons essentiellement politique, l’arabe doit ses spécificités à l’histoire religieuse et à l’importance du Coran, livre sacré dont le texte selon la tradition a été révélé  au Prophète Mahomet par l’archange Gabriel et dont la forme définitive a été fixée juste après la mort du Prophète vers le milieu du VIIe siècle. L’attachement à ce livre culte s’est prolongé au cours de siècles auprès de toutes les populations islamisées, si bien que, malgré la diversification de la langue arabe au gré de l’expansion  de l’Islam, le livre du Coran n’a jamais cessé de constituer un  lien très fort entre tous les musulmans. On comprend dès lors l’importance que ces derniers ont attachée depuis  l’origine à l’étude de leur langue, qu’ils considéraient comme sacrée .
  • La langue Arabe  objet d’un  intérêt passionné est par ailleurs devenue le support d’un  art de l’écriture où la lettre habillée de dessins et d’arabesques, constitue le seul élément  ornemental  admis dans les palais et dans les mosquées. Née au sein de populations nomades vivant dans la péninsule Arabique, la langue arabe a connu un destin hors du commun, à la suite de l’expansion extraordinaire de la religion musulmane sur un territoire qui s’étendra en moins de deux siècles de l’Atlantique à l’Indus. Cette langue, dès le Moyen Age, s’est trouvée en contact avec les langues de l’Occident, lors de la fondation des dynasties andalouses en Espagne à partir du VIIIe siècle,  puis au cours des croisades et vers le XIIIe siècle, à la Cour de Frédéric  II de Hohenstaufen en Sicile, une île tout imprégnée de cet art poétique arabe qui allait influencer la poésie sicilienne  puis la littérature italienne.  Le monde de la science arabe y était aussi largement représenté par de grands savants qui vivaient en Sicile mais aussi à Naples, à Salernes, à Tolède, à Grenoble ou à Séville. Mais C’est surtout par le nombre considérable de traductions élaborées entre le VIIIe siècle et le XIIIe siècle, d’abord du grec à l’arabe puis de l’arabe au latin et aux langues issues du latin que l’on a  pu  mesurer tout ce que l’occident doit à la science arabe. La traduction a encore joué un  rôle mais sur le plan littéraire cette fois avec les Mille  et une nuits car c’est à partir de leur traduction française par Antoine Galland au XVIIIe siècle que s’est développée dans toute l’Europe un attrait  irrésistible pour l’Orient. 
  • Toutefois  la langue arabe garde encore une partie de son mystère en Occident  bien que l’on puisse s’intéresser encore plus aux origines de l’arabe, à son expansion et à sa diversification ainsi qu’à sa structure phonique et au fonctionnement de cette langue et en dernier lieu à l’écriture de l’arabe et à son évolution vers la calligraphie.
  • Enfin les auteurs de cet ouvrage ont eu raison de mettre en lumière des relations historiques qui existent depuis des années entre l’arabe et le français  qui se manifestent en particulier dans leurs lexiques.     
  • C’est dommage cependant que la pédagogie de la langue dont les auteurs font preuve ne s’appuie pas sur une pédagogie de l’histoire de même niveau. Les linguistes, ces professionnels des signes n’ont-ils pas finalement du mal à appréhender les faits, cette matière première de l’historien.
  • Comment se porte la langue française aujourd’hui et quelle est sa place dans l’espace francophone ? Quel avenir lui souhaitez-vous en tant que spécialiste de la langue et écrivain ?
  • Bien sûr, elle n’occupe plus la première place de grande langue internationale qui était autrefois la sienne. Toutefois, elle jouit encore d’un prestige certain à l’étranger, un prestige souvent lié à son histoire, à sa littérature et également  à son rôle dans la diffusion des Droits de l’Homme. C’est vrai aussi que la langue française a perdu du terrain au cours des deux dernières décades. Mais c’est vrai aussi qu’elle continue à résister farouchement. On recommence à enseigner le français dans plusieurs pays du monde, notamment en Pologne et en Chine. Force est d’admettre que le rayonnement international du français n’est plus ce qu’il a été dans le passé et son dynamisme varie d’une région à l’autre. Pour ce qui est de sa structure, la langue française se porte très bien. Elle continue à progresser, à exprimer le monde moderne en intégrant de nouvelles expressions et de nouveaux mots. Malgré une idée reçue, le français n’est pas en train de se laisser manger par des structures linguistiques anglaises. La population française a été bilingue majoritairement jusqu’au début du 20ème siècle et c’est à partir de là que les langues régionales ont commencé à perdre du terrain et que les français sont devenus nuls en langues étrangères. Autrefois, ils avaient la chance d’avoir deux langues à leur disposition donc une gymnastique intellectuelle leur permettant de passer d’une langue à l’autre, et de ne pas confondre le monde avec la langue. Lorsqu’ils ont perdu cela, ils sont devenus les mauvais élèves de l’Europe en langues. De ce point de vue là, le renouveau des langues régionales doit être favorisé et étendu.
  • Si l’on doit évoquer les relations de la langue française avec la langue arabe dans les pays méditerranéens et notamment le Maghreb que vous connaissez parfaitement, où le français est largement pratiqué  à côté de l’arabe, que dites-vous de cette relation en comparaison des rapports entre le français et l’anglais tels que vous les expliquez dans vos écrits ? Peuvent-ils se donner l’un à l’autre à l’instar de cet exemple ou bien y a-t-il un rapport plus complexe et alors comment l’expliqueriez-vous ?
  • La situation est bien différente. Les apports lexicaux du français à l’anglais sont très anciens car ils remontent au milieu du XIème  siècle  tandis que les emprunts du français à l’anglais ne datent que d’un peu plus que deux siècles. En revanche, les emprunts du français à l’arabe de nature scientifique remontent au Moyen Age. D’autres apports de l’arabe au français sont bien plus récents puisqu’ils commencent à l’époque de la colonisation et qui sont d’une toute autre nature : ils concernent le vocabulaire familier et non pas scientifique. De son côté, l’arabe du Maghreb, a emprunté au français du vocabulaire technique, par exemple dans le domaine de l’automobile mais aussi de la mode et de l’élégance.
  • Quel  est votre point de vue à l’égard de la francophonie, de son rôle, de son audience et tout particulièrement du renforcement de son image dans la vie internationale ?
  • La Francophonie avec un grand F  est une organisation de type politique sur laquelle je ne peux pas donner une opinion compétente. Au contraire, sur le plan de la francophonie avec un petit f, je peux m’exprimer en disant que tous ces francophones, c’est-à-dire toutes ces populations qui parlent le français tout en étant pas des français, tous ces francophones ont donc un rôle à jouer dans le destin du français d’aujourd’hui.
  • Comment  voyez-vous donc le français évoluer et surtout  se renforcer si l’arabe et l’anglais par exemple l’empêchent d’exprimer toute sa force, sa modernité et même son dynamisme comme c’est le cas dans l’édition des livres, de la presse dans ces pays pour ne retenir que cet exemple ?
  • Je pense que la littérature francophone du Maghreb s’impose assez bien sur la scène internationale.  Mais des efforts doivent toutefois se poursuivre en ce qui concerne l’enseignement du français à tous les niveaux. Je pense que l’ensemble du Maghreb est un atout majeur pour la promotion de la langue et de la culture française car elles sont une partie intégrante de sa propre histoire.
  • Enfin, vous avez dit un jour : « qu’il faut toujours aimer sa langue, lui redonner le goût de l’apprendre suffisamment et intelligemment et, que lorsqu’on connaît la langue du voisin, on se méfie moins de lui et on apprend mieux  à l’apprécier ». Est-ce que cela est toujours d’actualité d’après vous dans l’état du monde aujourd’hui ?
  • Aujourd’hui plus que jamais, si l’on veut comprendre le monde qui bouge.

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