Farid Boukas :”Le Maroc tente désespérément d’impliquer l’Algérie dans ses différends à l’étranger”

L’écrivain et l’ancien agent des services de renseignement marocain, Farid Boukas a présenté un certain nombre de causes ayant fait que Rabat annonce la rupture de ses relations diplomatiques avec Téhéran, prétendant que ce dernier soutient le Front Polisario par le biais de son ambassade à Alger. Pour Boukas, les autorités marocaines ont procédé à cette démarche dans le cadre de compromis internationaux, soutenant que le souverain chérifien pourrait sacrifier des Marocains dans le conflit syrien rien que pour satisfaire des forces étrangères.

Quelle lecture faites-vous de la décision du Maroc de rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran?

La décision du Maroc de rompre avec l’Iran est intervenue après la rencontre tripartite à Paris regroupant Mohamed VI, le prince héritier saoudien et le premier ministre libanais. Rappelons que la position neutre du Maroc vis-à-vis du conflit entre l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis (EAU), le Bahreïn et l’Égypte d’un côté, et le Qatar d’un autre, n’a pas été du goût des dirigeants Saoudiens qui ont déclaré ne pas soutenir la candidature du Maroc pour l’organisation du Mondial 2026. En effet, la relation entre Rabat et Riyadh a failli se détériorer. Comme le prince héritier est l’homme fort du royaume saoudien -sous tutelle américaine- et le Maroc perd des millions de dollars que lui offre annuellement Riyadh, Mohamed VI a dû revoir sa copie et décider de se joindre à l’alliance Riyadh-Washington contre l’Iran….Ce qui signifie que cette rupture s’explique plutôt par la pression saoudienne exercée sur les autorités marocaines, et non pas à cause du Hezbollah, dont l’étau se resserre contre lui au Sud du Liban.

Pourquoi, selon vous, l’on a impliqué l’Algérie dans cette affaire qui concerne le Maroc et l’Iran?

Ce n’est point un pur hasard si l’on a voulu impliquer l’Algérie. Il n’est d’ailleurs secret pour personne que chaque pays confronté à des situations politiques difficiles, il cherche à inventer des événements et tient un autre pays pour responsable, et ce de sorte de pouvoir contenir la colère du peuple. Sachant que les Marocains ont abandonné les contestations de rue pour d’autres modes de contestation sur les réseaux sociaux, d’autant plus que trois produits fabriqués dans le pays ont fait l’objet d’une campagne de boycott, dont Mohamed VI détient des actions. Le boycott a réussi à 100% et a tendance à s’inscrire dans la durée.

Si le Maroc avait en effet des preuves, selon lesquelles l’ambassade de l’Iran à Alger aurait aidé le Hezbollah à entraîner des éléments de l’armée du Front Polisario, il aurait directement pointé du doigt la diplomatie iranienne sans pour autant impliquer l’Algérie dans cette affaire. Car cette dernière n’y est pour rien.

Est-ce le Maroc agit de son propre chef dans certaines questions régionales? Ou bien obéit-il aux injonctions de certains régimes, ceux du Golfe en particulier?

Du point de vue diplomatique, Rabat n’a aucun droit d’impliquer l’Algérie ou tout autre pays dans des affaires qui ne les concernent ni de près, ni de loin. La décision est certes souveraine dans la mesure où le ministère marocain des affaires étrangères n’est pas indépendant, mais il exécute les décisions du Palais royal. De ce fait, le gouvernement de Saad-Eddine El Othmani n’est qu’un gouvernement de façade.

Le Maroc, à travers quelques analystes et quelques journalistes, semble laisser présager un affrontement militaire avec le Front Polisario. Qu’en pensez-vous?

Une confrontation militaire avec le Front Polisario est à exclure. Certains analystes ont dit que le Maroc venait de retirer ses avions “F16” en vue d’affronter le Front Polisario, mais en vérité ce retrait est décidé car le Maroc est impliqué dans le génocide au Yémen. De ce fait, il tente de redorer son image à travers le monde, sachant qu’un recul dangereux a été enregistré en matière des droits de l’homme au Maroc, après les contestations au Rif et Jerada  où des militants ont été incarcérés arbitrairement. Des organisations internationales des droits de l’homme ont dénoncé ces violations flagrantes.

Traduit par: Moussa. K.