Solana: le Pakistan peut dialoguer avec ses talibans mais pas avec Al-Qaïda
L'Union européenne soutient la politique du nouveau gouvernement du Pakistan de dialogue avec les talibans pakistanais mais exclut toute négociation d'Islamabad avec leurs alliés d'Al-Qaïda, a déclaré mardi Javier Solana, le diplomate en chef de l'UE.
L’ancienne opposition au président Pervez Musharraf a remporté les législatives du 18 février. Le nouveau gouvernement tente d’instaurer un dialogue avec les combattants islamistes pakistanais dans les zones tribales du nord-ouest, qui se disent “talibans”, et qui mènent, avec le soutien d’Al-Qaïda, une campagne très meurtrière d’attentats suicide dans tout le pays depuis plus d’un an.
“Libre au Pakistan de donner une chance à ceux qui veulent participer au bien-être du pays en participant à un dialogue dans le cadre de la Constitution”, a déclaré M. Solana à la presse au cours d’une visite à Islamabad consacrée principalement à un éventuel accroissement de l’aide de l’UE au Pakistan.
Mais il a catégoriquement exclu que l’UE tolère que ces pourparlers de paix puissent être engagés avec des membres du réseau d’Oussama Ben Laden. “La réponse est non !”, a-t-il martelé à l’adresse des journalistes qui lui demandaient si cela serait possible.
Or, la plupart des groupes pakistanais radicaux qui combattent l’armée dans les zones tribales frontalières de l’Afghanistan, comme le Mouvement des Talibans du Pakistan (Tehreek-e-Taliban Pakistan), ne cachent pas leurs liens avec Al-Qaïda, qui leur a donné sa bénédiction dans leur combat contre le pouvoir central et leur campagne d’attentats : Ben Laden a lui-même déclaré le jihad, la guerre sainte, au président Musharraf et à son armée en septembre.
Lundi, dans le cadre de cette politique de dialogue, Islamabad a remis en liberté une trentaine de talibans pakistanais dont un de leurs dirigeants, Sufi Mohammad, emprisonné depuis fin 2001 quand il avait fui l’Afghanistan avec des centaines de combattants d’Al-Qaïda et de talibans afghans, chassés du pouvoir par une coalition emmenée par les Américains.
Le porte-parole du Mouvement des Talibans du Pakistan, dont le chef, Baïtullah Mehsud, est considéré comme le chef d’Al-Qaïda dans ce pays, s’est félicité de ce geste qui, selon lui, “est de bon augure pour une future paix dans la région”.
Mais Washington, dont le président Musharraf, contraint à une cohabitation conflictuelle avec le nouveau gouvernement, est l’allié-clé dans sa “guerre contre le terrorisme”, ne voit pas d’un bon oeil cette nouvelle politique de dialogue avec les extrémistes dans les zones tribales.
Car des accords de paix avec eux de 2005 à 2007 ont échoué et permis aux talibans et à Al-Qaïda d’y reconstituer leurs forces, selon les Etats-Unis.
Dans une conférence de presse commune avec M. Solana, le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, a cependant assuré que le gouvernement disposait d'”autres options” s’il avait le sentiment que les fondamentalistes tentaient à nouveau de tirer avantage d’une trêve dans les opérations militaires.
La vague d’attentats sans précédent ayant fait plus de 1.070 morts au Pakistan en 15 mois connaît un indéniable répit depuis la mise en place du nouveau gouvernement, dirigé par Yousaf Raza Gilani, un fidèle de l’ex-Premier ministre Benazir Bhutto. Cette dernière a été assassinée le 27 décembre dans un attentat suicide attribué par le régime de M. Musharraf à Al-Qaïda, via le groupe de Baïtullah Mehsud.